En 1973, conçu par la CIA et exécuté par les réactionnaires du Chili, dont l’immonde Pinochet, un coup d’état mettait fin à la tentative du président Allende d’instaurer le socialisme dans son pays. Il fut abattu sans pitié et la répression fut terrible. L’émotion ressentie parmi les démocrates du monde entier fut immense, à la mesure de la perte d’un espoir démesuré. Je jetai alors quelques lignes sur le papier, naïvement indigné, naïvement écoeuré par l’hypocrisie des autorités en place. Depuis, et sans fin, se succèdent les scènes de carnage de par le monde… Ce présent ne différait en rien du passé non plus : à la lecture de l’histoire on ne rencontre que cruauté, vilenie. L’espoir se transforme inéluctablement en désespoir.
La satisfaction imbécile
Des temps serviles
Est revenue.
L'or regorge dans les coffres.
L'acier des chars
A brisé les corps nus
Que l'armée offre
Aux fosses béantes.
Et à la mer.
Les vagues jettent à la plage
Les membres épars
Des voyageurs de l'avenir.
Ils ont commis le pire.
Et pour leur peine
Ils n'auront qu'un repos
Éternel.
L'éternelle souffrance des pauvres,
L'éternel dénuement des pauvres,
Les éternelles victimes.
Elles avaient eu leur moment :
Un instant libre.
Un instant proclamé à la douleur
De leurs poings,
Aujourd'hui coupés.
Les dignitaires de l’église
Ont béni les temps nouveaux,
Ont consacré les échafauds,
Et sanctifié de tristes sbires.
Le Chili est sous le joug.
Comme avant lui,
D'autres pays,
D'Espagne en Indonésie,
Ont plié sous les faisceaux.
Alors commence la nuit
Et l'hiver.
Le peuple va les yeux baissés
Sectionné de son passé,
Tel un décapité.
Les cadavres jonchent les rues.
La rocket contre la peau.
Les trous rougis,
Les crânes éclatés,
La chair explosée.
Les femmes tendent leurs bras
Vers les prisonniers
Des stades de la mort.
Et partout l'horizon plombé.
Il avait fait bon vivre
Avec l'espoir.
Se sentir maître de soi.
Etouffer l'esclave endormi.
Face contre terre.
Pour nourriture, la poussière.
Le dos raide et les bras figés.
Les coups de pieds,
Les coups de crosses,
Et la rafale des mitraillettes
C'était un rêve, la liberté, relégué à cent mille années
Un songe ténu et fugace que les bottes détestent.